« J’ai tenté d’esquisser l’essor et le déclin, au sein de la théorie politique anglophone, de ce que j’ai appelé une conception néo-romaine de la liberté civile. La théorie néo-romaine se fait jour au cours de la Révolution anglaise du xviie siècle. Plus tard, elle sert à attaquer l’oligarchie qui règne en Grande-Bretagne au xviiie siècle, et, par la suite, à défendre la révolution montée par les Américains contre la Couronne britannique. Au cours du xixe siècle, cependant, la théorie néo-romaine s’évanouit progressivement. Certains de ses éléments survivent dans les Six Points des Chartistes, dans la description par John Stuart Mill de la sujétion des femmes et dans d’autres plaidoyers en faveur des subordonnés et des opprimés.
Mais le triomphe idéologique du libéralisme laisse la théorie néo-romaine largement discréditée. C’est alors que la conception rivale de la liberté présente dans le libéralisme classique commence à jouer dans la philosophie anglophone le rôle de premier plan qu’elle n’a jamais abandonné depuis. L’ambition de cet essai est de remettre en cause cette hégémonie libérale en tentant de retourner dans un univers intellectuel que nous avons perdu. »
Q. S.
Titulaire de la chaire Barber Beaumont de l’université Queen Mary de Londres, Quentin Skinner est l’auteur de nombreux ouvrages d’histoire des idées politiques qui font autorité, parmi lesquels Machiavel (Seuil, 1989 ; « Points Essais », 2001), Les Fondements de la pensée politique moderne (Albin Michel, 2001) et Hobbes et la conception républicaine de la liberté (Albin Michel, 2009).
Traduit de l’anglais par Muriel Zagha.