La mémoire d’une vie se construit de fragments visuels auxquels s’accroche encore un sentiment très intime tandis que s’évanouit la société où ils sont nés. Dominée par le charbon, ses usages et son énergie, la Société Carbonifère a duré en France moins de deux siècles. Elle façonnait sans éclat, sans tumulte (hormis celui des mines, des hauts fourneaux et des immenses usines d’alors, que peu de gens visitaient), les bruits, les couleurs, les odeurs, et aussi les conduites, celles des adultes, celles des enfants. On y était plongé, on n’y prenait pas garde. Quand tout ce temps-là fut nettoyé, avalé, remodelé et réemployé par de nouvelles technologies et pour de nouvelles pratiques, son souvenir a resurgi et s’est imposé à l’auteur. Ce sentiment n’est pas le sien seul, il est celui d’un devenir collectif, mais il ne pouvait le dire qu’avec ses propres mots et ses propres expériences. Les ombres du paysage intérieur impressionnent autant que celles qui se projettent sur les murs.
Henri-Alexis Baatsch est né en 1948 près de Paris.