Babybatch ! Ainsi Dominique a-t-elle surnommé Benedict Cumberbatch, le héros éponyme de la série Sherlock.
Quant à elle, et bien qu’elle appartienne à l’immense communauté virtuelle des fans de l’acteur anglais, elle refuse de se laisser contaminer par le délire de ses congénères. A quinze ans, Dominique est une jeune fille quasi désuète dans sa discrétion et dans son expression méticuleuse quand il s’agit d’évoquer les sentiments. Mais elle est aussi un étrange produit de son époque, non pas tant dans la traque de son idole sur le net, que dans son ironie de petite amoureuse revenue de tout. Chez elle, l’amour ne peut être vécu qu’après avoir été rêvé, pensé. À moins que dans sa version ultime, il soit peu soucieux de se matérialiser.
Forte de cette passion unilatérale, Dominique comprend mieux son inclination pour les êtres mélancoliques : le professeur d’anglais à la voix si basse que ses cours sont inaudibles ; Paul Rissac, cet élève brillant qui traite le malheur avec une désinvolture intrigante ; son père, qui semble douter d’être un jour l’artisan du plus petit bonheur sur la terre. Les observant, les comparant à son cher Benedict, Dominique tisse un monde dont le lecteur voudrait ne jamais sortir.
Isabelle Coudrier, scénariste pour le cinéma, a publié deux romans aux éditions Fayard, Va et dis-le aux chiens (2011) et J’étais Quentin Erschen (2013), tous deux salués par la critique.