Poète juif né en Roumanie, Paul Celan choisit d’écrire en allemand pour porter la contradiction jusque dans la langue et remettre en question une culture jugée complice de l’extermination. Peu de poètes ont fait l’objet de tant de commentaires dans la philosophie du xxe siècle, de Gadamer à Derrida et Alain Badiou. Mais ces appropriations n’ont pas été sans malentendu. Paradoxalement, l’inspiration intellectuelle légitimant l’intérêt des philosophes pour les poètes, et singulièrement pour ce poète, a souvent été puisée dans la pensée de Heidegger : Celan apparaît comme un auteur dont l’obscurité témoignerait de la profondeur de l’engagement poétique, seul susceptible de résister à l’emprise de la rationalité calculatrice.
L’incompatibilité historique et politique du penseur et du poète fut alors souvent ignorée ou minorée, au profit de la construction d’une synthèse poético-philosophique dont l’ambiguïté est riche d’enseignements sur ce moment de la pensée. En proposant une analyse critique des modalités de cette rencontre, ce livre pose à nouveaux frais la question des rapports entre philosophie et poésie et ouvre la voie à d’autres réponses à la question : « Pourquoi des poètes en temps de détresse? »
Denis Thouard, Directeur de recherche au CNRS, s’intéresse principalement à la question de l’interprétation et à la théorie herméneutique (Herméneutique critique. Bollack, Szondi, Celan, Septentrion, 2012 ; L’Interprétation. Un dictionnaire philosophique, dirigé avec Chr. Berner, Vrin, 2015) et a également traduit de la poésie (E. Meister, A. Krog) et des textes des romantiques allemands. >Florent Guénard est philosophe, maître de conférences à l’Université de Nantes, directeur de la rédaction du site laviedesidees.fr. Il est notamment l’auteur de Rousseau et le travail de la convenance (H. Champion, 2004).