La notion de justice sociale a suscité durant les dernières décennies d’intenses débats en philosophie morale et politique, surtout depuis la publication de la Théorie de la justice de John Rawls (Seuil, 1987).
Dans cet ouvrage, Michael Walzer défend une conception rivale de celle du contractualisme de Rawls et propose une théorie radicalement pluraliste de la justice. Reprenant la conception pascalienne des « ordres », il soutient qu’il existe des sphères de justice distinctes, correspondant chacune à une conception particulière d’un type de bien entretenue au sein d’une communauté donnée, et relevant de critères de distribution spécifiques. Ce qui vaut dans la sphère économique ne se laisse pas transférer dans la sphère de l’éducation, ou dans celle du pouvoir politique ; les loisirs, la famille, et même la grâce divine ont chacun leur « sphère » propre. Contre l’égalitarisme « simple » qui vise à distribuer les biens de manière égale à moins que ce soit à l’avantage de tous d’admettre une inégalité, Walzer propose une théorie de l’« égalité complexe » : une société régie selon ce principe est une société dans laquelle aucun type de bien ne peut dominer les autres. Tout passage illégitime d’une sphère à une autre conduit à une forme spécifique de tyrannie. À travers une série d’enquêtes concrètes et originales, attentives au détail des manières dont les communautés ont forgé, à travers l’histoire, leurs systèmes de valeurs et de règles, Walzer propose ce qu’il appelle un « socialisme démocratique décentralisé », et jette les bases d’une philosophie politique adaptée à un monde de valeurs conflictuelles.
Michael Walzer, professeur émérite à l'Institute of Advanced Studies de Princeton, et l'un des principaux philosophes politiques américains contemporains, est l'auteur, notamment, de La Révolution des saints (Belin, 1988) et Guerres justes et injustes (Gallimard, 2006).
Edition augmentée