La recherche de la langue parfaite
Au cours des siècles où le monde romain entre en crise et où commencent à résonner ces langues que l’Europe parle encore, la culture européenne médite l’épisode biblique de la confusio linguarum et tente de guérir la blessure de la Tour de Babel en essayant de récupérer la Langue adamique, ou de la reconstruire comme Langue parfaite.
Beaucoup se sont consacrés à ce rêve et, bien que leurs utopies ne se soient pas réalisées, elles ont produit des « effets collatéraux ». C’est pour cette raison que si nous connaissons aujourd’hui le monde naturel à travers des taxinomies rigoureuses, si nous inventons des langages pour les machines, si nous tentons des expériences de traduction automatique, nous sommes encore débiteurs de ces tentatives de retrouver une langue adamique.
Umberto Eco
Écrivain et sémiologue, il a notamment publié L’Œuvre ouverte (« Points Essais » n° 107, 1979) et Construire l’ennemi (Grasset, 2014).
Traduit de l’italien par Jean-Paul Manganaro