Un « patriote » met son âme à nu en adressant 26 épîtres (du 25 octobre au 31 décembre 1982) à un certain Ferfitchkine, parfait inconnu et lecteur idéal.
Avec une libre incohérence, Evgueni Popov digresse, sinue entre passé et présent, se baguenaude sentimentalement et ironise avec douceur (comme Sterne), évoque ses amis et ennemis écrivains, et erre dans Moscou avec l’un d’eux, son « frère en littérature ».
A l’énigmatique absurdité de l’existence, Popov répond par les petites énigmes de la vie personnelle, interrogations, souvenirs et oublis (comme si la mémoire avait la gueule de bois), « loin de toute philosophie, encore plus loin de toute politique ».
Cependant, tout s’oriente vers un événement « patriotique » : les funérailles de celui qui fut (Brejnev) en présence du Nouveau Chef (Andropov), auxquelles assistent certains « homologues étrangers ».
Popov observe l’événement à la télévision et prend des notes… Ce sont ces notes acides, à la Zochtchenko, qui donnent son plein sens à L'Âme du patriote en laissant entendre que la vie privée est au-dessus de tout et que l’humour est la politesse du désespoir.
Affectant la frivolité en profondeur, Popov affirme son humilité avec une très grande force, manant une existence « poétique » dans les marges affranchies des besoins et de l’utilité, se moquant du monde, de la caste internationale des dirigeants.
Délivrée de l’idéologie, la littérature croît de nouveau sauvagement, à la russe, avec cette géniale désinvolture envers l’art que Popov nomme sa « graphomanie », formant la seule patrie de l’âme humaine.