Capiston se définit lui-même comme un « amoureux ». Pauvre Capiston. Officier de marine gras et vieillissant il est aux prises avec un monde extérieur qu'il ressent comme un complot terrible visant à l'empêcher de se justifier et contre lequel il s'essaie, misérable et nauséeux, à nouer les fils de sa vie qui n'aura été qu'une suite effroyable d'échecs et de suicides. Le récit qu'il fait de sa vie est liftéralement hanté par la dégradation et la mort.
Quand, enfant, Capiston sent que son père va se tuer, tout ce qu'il trouve à faire, c'est de jouer du violoncelle devant la porte rouillée des cabinets; quand sa propre fille, Cassandra, se fait violer par trois soldats, il lui prend la main et lui dit : «Courage.» Et ainsi de suite, depuis la mutinerie à bord du Starfish, le bateau sur lequel Capiston a servi, jusqu'à sa tentative désespérée de vivre enfin harmonieusement avec Cassandra sur une île déchiquetée au large des côtes du Maine. Mais «l'île d'amour» se révélera peuplée de veuves lascives, de pêcheurs lubriques - et d'adolescents arriérés empressés à satisfaire les besoins sexuels de Cassandra qui finira par se suicider.
Capiston trouvera un début de paix (ne disons pas de rédemption) dans l'insémination artificielle des vaches : malgré son ridicule et sa vulgarité, il accède à un peu de la beauté du monde. ironie amère que transcende l'écriture à la foistourmentée et lumineuse de Hawkes, qui signait là son quatrième roman (publié à New York en 1964), après le terrifiant Gluau et juste avant Les Oranges de sang qui allaient apporter à son auteur la renomée internationale.