Quand la ville se défait
« Racaille ! » : un mot du ministre de l’Intérieur a suffi pour provoquer trois semaines d’émeutes en novembre 2005. Comment en est-on arrivés là ? Pourquoi les « cités » sont-elles devenues synonymes de relégation ? Les logiques de séparation qui affectent les banlieues et la réduction de la question urbaine à un problème de sécurité signent à l’évidence l’échec de la politique de la ville. Davantage préoccupée de transformer les lieux que d’accroître la « capacité de pouvoir » des individus dans leur vie, celle-ci s’emploie vainement à imposer une mixité sur place plutôt qu’à faciliter la mobilité sociale. S’appuyant sur le pouvoir des élus locaux au lieu de créer une démocratie à l’échelle de l’agglomération, elle se révèle incapable de retrouver l’« esprit de la ville » – qu’il est urgent de réinsuffler.
Jacques Donzelot
Historien du social et sociologue de l’urbain, il est notamment l’auteur de La Police des familles (Minuit, 1977, 2005), de L’Invention du social (« Points Essais », 1994) et de La France des cités (Fayard, 2013).