La modernité et la condition juive ne peuvent plus s’abstraire l’une de l’autre : voilà le constat dressé par Edgar Morin. La stricte catégorie de « juifs » est impuissante à définir ces citoyens des nations qui ont intégré les fondements théoriques humanistes : ils sont devenus, politiquement et culturellement, des « gentils ».
Or l’identité de judéo-gentil est formée de deux éléments qui se complètent et se contredisent. C’est dans une perspective historique qu’il faut en saisir l’élaboration : de l’antijudaïsme chrétien au marranisme, de l’antisémitisme racial au sionisme, le tissu des rapports entre les juifs et leur environnement a composé cette identité complexe, dissonante mais réelle. Aujourd’hui, alors que s’évanouit le rêve universaliste, s’affirme la tentation d’un judéo-centrisme qui fournit en arguments ses propres détracteurs.