Un village au Liban, en 1972. Les yeux fixés sur une frontière mythique, des hommes regardent scintiller les lumières d’en face. Avec espoir, avec curiosité, ils attendent la guerre.
L’un d’eux, Farés, se retrouve projeté à Beyrouth, au milieu d’une autre guerre, civile celle-là. De toutes les guerres, c’est elle qui libère le plus totalement les moi, laminant les causes, pulvérisant l’État, les lois, la morale, la famille.
Et c’est chacun sa cause, sa petite guerre personnelle, où l’on est à soi-même son propre général, sa propre troupe, sa propre raison d’exister. Les sentiments vivent une vie indépendante. La religion explose en sectes fanatiques. Le sexe pousse comme une fleur sauvage dans cette tourbe. Avec ça, d’étonnantes beautés dans le macabre, comme seuls l’absence de frein et un sens inconnu du goût de vivre peuvent en produire.
Sous le ciel dentelé de balles traçantes, les personnages colorés au feu se parent d’une intensité réelle : Frés, Hassan le franc-tireur, Franc le reporter, Beyrouth, Nadine, Milanie, Alicco Soda, Abou Machin… mais aussi Toufic le Phalangiste, Abou Taha le patriarche tribal, la camarade Natacha « sœur des hommes », Solange la mouche, l’ex-ministre Bchara…
De fait, ne sont-ils pas sortis de la plume d’un professeur que la guerre rendait fou et, plus tard, de la machine d’un journaliste français qui « collait » à son sujet au point d’en devenir un personnage ?
Comme l’Allemagne d’Ernst von Salomon ou le Mexique de Macolm Lowry, ce Liban-là est à la fois réel et imaginaire, accoucheur d’Histoire et de fictions.
Le français qu’on y entend, métissé, bousculé jusque dans sa syntaxe, se plie à tous les rythmes d’un Orient littéraire.