« Elle était dure, monolithique, rayonnante, et sereine. Elle était indestructible, songeait-il en la serrant contre lui tandis qu’ils se penchaient sur l’eau pour voir passer les bateaux, et comme elle se dégageait de cette étreinte pour s’appuyer seule sur le rebord de bois, y posant ces vieux gants verts qu’il lui voyait depuis plusieurs années, tant elle était attachée aux choses, et qui étaient ce soir-là déjà trempés de pluie, il lui demanda, observant le haut immeuble de la Samaritaine, grand paquebot blanc amarré au bord de Seine, sa vaste façade de pierre, les petits drapeaux qu’on y avait fichés de chaque côté, comme des fanions, et qui restaient droits dans la bourrasque : " Esther, tu n’as donc de compassion pour personne ?" »
La dizaine de personnages qui tournent autour de la mystérieuse Esther s’observent, se traquent, se fuient dans un ballet envoûtant, impitoyable, décrit avec acuité, précision, pénétration. Chassé-croisé d’amitiés et d’amours, ce roman, typiquement français dans son environnement, rappelle les plus grands noms de la littérature anglo-saxonne, par la finesse de sa psychologie et par son style, qui épouse les sinuosités de la conscience, les petites ironies de la vie, les courtes fascinations des instants poétiques.