Les mots de l’histoire
Il y a de l’histoire parce qu’il y a des mots en excès : des mots sans référence fixe qui circulent librement et dont n’importe qui peut s’emparer pour séparer les corps de leur destination naturelle et briser les rapports admis entre les mots et les choses. De là quelques troubles qui s’appellent notamment hérésie ou révolution.
L’histoire savante n’aime pas ce désordre qui lui donne sa matière. Elle s’emploie à ramener les mots flottants à l’expression de réalités solides, jusqu’à faire de l’hérésie une religion de village et de la révolution un abus de langage. Jacques Rancière montre qu’elle a besoin pour cette opération antilittéraire de quelques tours nouveaux de littérature.
Jacques Rancière
Né à Alger en 1940, il est professeur émérite de philosophie à l’université Paris VIII. Il a consacré de nombreux ouvrages aux relations entre politique, art et littérature. Il a notamment publié au Seuil, dans « La Librairie du XXIe siècle », Courts voyages au pays du peuple,La Fable cinématographique et Chroniques des temps consensuels.