Quoique encore une personne presque inconnu en France, Eric Voegelin est une figure centrale de la pensée politique, au même titre que Leo Strauss et Hannah Arendt.
L’originalité de La Nouvelle Science du politique (1952) – « le premier débat avec les problèmes réels depuis Max Weber », disait Arendt – est d’interpréter la crise de la modernité en termes de gnosticisme : à l’instar des premières sectes chrétiennes, ou de Joachim de Flore au Moyen Âge, les idéologies contemporaines ont abandonné la transcendance pour accomplir le règne du paradis sur terre. La sécularisation n’est finalement qu’une redivinisation. Voegelin relit ainsi Hobbes ou Hegel, et propose une critique globale des projets gnostiques : leur plus grave danger est qu’ils reposent sur un monde rêvé dont les activistes – Comte, Marx, Hitler – hâtent la venue par le recours à la violence.
Mais, pour combattre les idéologies, Voegelin n’en appelle pas, comme Leo Strauss, à une « science de l’ordre » et à un revival du rationalisme pratique des Anciens : il poursuit l’élaboration du concept central de « religion politique ».