Pourquoi les mystiques pourraient-ils nous apprendre quelque chose sur le fait, tout de même obscur, de naître homme ou femme ? Lorsque Thérèse écrit son dernier livre, Les Demeures de l'âme, elle a soixante-deux ans et n'a plus peur de ses démons. Réclamé par son jeune confesseur, il est écrit pour ses compagnes carmélites dans un langage qui se veut féminin «car les femmes comprennent mieux le langage des leurs». Que faire pour que l'âme ne reste pas «à la porte» de son être ? Thérèse découvre qu'il faut des images qui s'inscrivent dans le temps et qui prennent naissance dans un corps intérieur. Car Thérèse n'est pas platonicienne : chez elle l'image est «dissemblable», ce n'est pas une copie des choses mais une créature qui peut rendre la vie.
Cette femme fut la moins angélique et la plus terrienne des mystiques. Etait-ce parce qu'elle avait hérité de son grand-père juif converti une longue habitude de la méfiance et de la lutte à l'égard des «autorités de pacotille» ? L'image au féminin est en même temps une stratégie de résistance temporelle.