Le narrateur, homme jeune et froid, est un homme sans nom, un homme de fuite et d'obsession. De lui on saura seulement qu'il est kabyle, fils de harki, qu'il a quitté l'Algérie pour le Midi de la France, qu'il ne peut se débarrasser de l'image de ses parents massacrés sous ses yeux par ceux qu'il appelle "les autres" ou "les dénégateurs".
C'est aussi un halluciné: à preuve la manière dont l'action même du récit - lente, haletante, plombée par la lumière du sud, constellée de sang et de sexe - est minée çà et là par des retours aveuglants d'images et de souvenirs qui bousculent la chronologie sans que jamais ne cesse cette extraordinaire façon qu'à la phrase d'avancer et la parole de rouler inexorablement. Faulkner n'est pas loin: même folie triviale, crue et prophétique.
Éventré accidentellement dans sa fuite, le narrateur est soigné par son cousin Khalef et pris en charge par une bande de souteneurs sous les ordres de Georghyu. Pour prix de sa dette, ce dernier veut le forcer à faire le proxénète et il lui confie quatre jeunes Roumaines.
La situation, déjà très dangereuse, bascule. C'est le moment que choisit l'effroi, en douce pourrait-on dire, pour passer la main: désormais c'est à la terreur qu'il faudra rendre des comptes. Et ce sera aux "autres" de rendre gorge. Chacun son tour.
En pleine lumière et en plein sang.
Beaucoup de livres parlent de violence, de meurtre, de folie religieuse aussi, de fanatisme. Mais rare, très rares, sont ceux qui atteignent à une pareille flambée sèche de l'écriture.