On sait que le poète portugais Fernando Pessoa (1887-1935) s’était exercé à la production de ce qu’on appelle des hétéronymes : un groupe d’écrivains de noms divers et d’esthétiques différentes auxquels il attribuait certaines de ses œuvres. Le roman de José Saramago est l’histoire, en quelque sorte devenue indépendante, d’un de ses hétéronymes, Ricardo Reis – poète, d’après son « œuvre », de la fuite du temps et épicurien à la « sérénité crispée » -, tout de suite après la mort de Pessoa.
Ricardo Reis, parti du Portugal au moment des troubles nés de l’instabilité de la jeune république, et après avoir vécu dans un exil doré au Brésil, revient donc – ayant perdu son créateur – à la découverte d’une Lisbonne nostalgique et policière où il exerce la profession de médecin, non sans céder de temps en temps à des passions brèves. Mais il n’en finit pas pour autant avec celui dont, dès l’abord, il va visiter la tombe et qui revient le voir régulièrement.
Il s’agit donc ici d’une fiction greffée sur une fiction et engendrant un mystérieux jeu de miroirs : les reflets se multiplient à l’infini, renvoient les uns aux autres, créant une singulière galaxie. Qui ne va pas sans une interrogation profonde sur la vérité et l’unicité du sujet.