Depuis trois ans, la revue Le Genre humain s’est attachée à publier des analyses de juristes consacrées à l’histoire et à la théorie du droit. L’amnésie d’une discipline sur sa propre histoire est chose courante. Ceci rend d’autant plus précieuse, et estimable, l’attitude opposée. Surtout lorsque la discipline en question – le droit – se trouve constituer un des fondements mêmes de la démocratie.
Après Juger sous Vichy (n°28, été/automne 1994) et Le Droit antisémite de Vichy (n°30-31, été-automne 1996), des juristes examinent ici le cas de l’Algérie. Comment la justice française a-t-elle été impliquée dans l’exercice du pouvoir d’État entre 1944 et 1962, c'est-à-dire entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et la fin de la guerre d’Algérie ? Que furent « ces années de braise » où le pouvoir exécutif a pris le pas sur le pouvoir judiciaire et où la France comme État de droit s’est trouvée remise en question tant étaient bafoués, jusqu’à l’abolition, les principes fondamentaux que sont la présomption d’innocence et le respect des droits de la défense ? Parce que l’enceinte judiciaire était, à la fin des années soixante, le dernier bastion des adversaires de la décolonisation, c’est la question même de l’indépendance de la justice qui s’est trouvée posée dans la question de l’indépendance de l’Algérie.