Madeline Slade est cette grande Anglaise qu'on voit, sur
certaines photos jaunies, dans un sari immaculé au côté de
Gandhi. Fille d'un amiral de la flotte des Indes, elle fit quelque
peu scandale en devenant la disciple du grand artisan de
l'indépendance indienne.
Admise dans l'ashram de Gandhi, elle noue avec lui une
relation particulière, que Sudhir Kakar réinvente dans ce
roman inspiré de la vie réelle, en analysant avec finesse les
engouements, les doutes et les ruptures qui la jalonnent.
Rebaptisée Mira, du nom d'une sainte hindoue, l'Anglaise
croit éprouver pour le Mahatma le même amour idéalisé qu'elle
porte à Beethoven. À moins que ce ne soit un amour trop
humain aux yeux du chef politique et spirituel, qui s'évertue
à éliminer toute connotation charnelle de sa relation avec sa
disciple comme de sa vie en général. Gandhi est amour pour
tous, pas pour une seule. Aimer Gandhi exige, avant tout,
qu'on se soumette à une discipline intransigeante, puis, une
fois que la discipline a fait son oeuvre, qu'on aille, loin de lui,
répandre la bonne parole. Une forme d'amour que Mira,
obnubilée par la présence physique du maître, aura du mal à
faire sienne.