Pourquoi la France, qui se veut modèle universel en
matière d'égalité, de solidarité et de protection sociale,
ne parvient-elle pas à résorber un taux de chômage et
de pauvreté parmi les plus élevés des pays riches ?
Comment se fait-il que la gauche comme la droite
échouent depuis vingt ans sur ce terrain ? Le fait est que, malgré
nos coûteux systèmes d'assistance, nous avons quasi autant de
pauvres que la très «libérale» Amérique. Contrairement à ce que
l'on pense parfois, les causes principales de cet échec ne sont ni
économiques, ni techniques, mais culturelles. C'est la rançon
d'un usage dévoyé de la méritocratie.
Dans la très élitiste société française, c'est la performance du
«meilleur» qui commande et verrouille l'accès à l'emploi. Sous
la devise «À chacun selon ses mérites», les systèmes de formation
fonctionnent comme une raffinerie chargée de sélectionner
très tôt - bien trop tôt - la crème de la nation. Ainsi a
été tracée une «voie royale» instaurant une séparation entre
«élus» et «déchus». Les conséquences de cette discrimination
sont désastreuses : une relation hystérique des parents à l'égard
de l'école, un mépris pour ceux qui y échouent, des réflexes corporatistes
impitoyables mais surtout un déficit tragique de
main-d'oeuvre bien formée.
Inefficace, cet élitisme. Pour le discours devenu dominant, les
éliminés ou les «déclassés» n'ont eu que «ce qu'ils méritaient
!». Cette indifférence et ce «racisme social» imprègnent
dorénavant notre culture. Dans notre pays, il est devenu très
dur, pour ne pas dire impossible, de remonter la pente lorsque
l'on est relégué parmi les déclassés.
Sans langue de bois ni préjuges idéologiques, Patrick Fauconnier
mène dans ces pages une enquête saisissante.