La santé est devenue notre bien le plus précieux. Les recommandations qui saturent l’espace public viennent nous le rappeler quotidiennement : « Fumer tue », « évitez de grignoter entre les repas », « lavez-vous les mains fréquemment », etc. Car, pour faire reculer le plus possible la maladie et la mort, il faut traquer le risque partout où il existe. La prévention des excès alimentaires, du tabagisme, de la consommation d’alcool et de drogues s’efforce d’atteindre cet idéal de sécurité totale. Mais la « mise en risque » du monde ne va pas sans dysfonctionnements. Le culte de la santé disqualifie ceux qui transgressent les conseils des experts. Il enserre les individus dans de nouveaux carcans moraux. Enfin, il est l’allié des industries agroalimentaires et pharmaceutiques, à qui il ouvre des marchés lucratifs. Conçue pour protéger les citoyens, les enfants, les personnes vulnérables, la prévention doit aujourd’hui être réinventée, sous peine de perdre son âme.
Patrick Peretti-Watel est sociologue à l’INSERM. Jean-Paul Moatti est professeur d’économie à l’université Aix-Marseille II. Ils sont respectivement membre et directeur de l’unité 912 « SE4S » (Sciences économiques et sociales, systèmes de santé, sociétés).