Voici la première étude d’ensemble, en langue française, de la vie et de l’œuvre d’une des étoiles les plus brillantes de la Vienne du tournant du siècle à l’entre-deux-guerres.
Né en 1874, la même année que Hugo von Hofmannsthal et Arnold Schönberg, Karl Kraus (1874-1936) est l’une des plus grandes figures de cette modernité qui, de la fin de siècle aux années 1920, a fait passer la capitale viennoise au premier plan de l’histoire intellectuelle et artistique européenne.
Orateur magnétique, maniant comme personne cet humour (juif) qui fut comme la marque d’un Empire à ses derniers feux, Kraus fascina autant les écrivains (Musil, Canetti, Broch), les musiciens (Schönberg, Berg), l’architecte Loos, l’explorateur de l’âme Freud, les philosophes, de Wittgenstein à Adorno, que Walter Benjamin, son interprète le plus profond et le plus lucide.
Dramaturge, poète, essayiste, il fut avant tout un satiriste redouté, dénonçant dans sa fameuse revue, Die Fackel, les compromissions et les faux-semblants des milieux littéraire et politique, la corruption sous toutes ses formes (en particulier celle de la langue, qui lui semblait la plus destructrice) et la presse en général. Maître de l’essai satirique et polémique, de l’aphorisme, cultivant la provocation au nom d’une certaine idée de la culture et de la vérité, cet enragé magnifique est l’auteur d’authentiques chefs-d’œuvre (des Derniers jours de l’humanité à la Troisième nuit de Walpurgis).
Richement documentée et portée de bout en bout par l’élan de créativité qui enflamma l’époque, cette passionnante biographie fera date.
Jacques Le Rider est directeur d’études à l’École pratique des hautes études. Il est notamment l’auteur de Modernité viennoise et crise de l’identité, La Mitteleuropa, Les juifs viennois à la Belle Époque, et d’ouvrages de référence consacrés à Otto Weininger, Hugo von Hofmannsthal, Sigmund Freud et Arthur Schnitzler.