L'idéal moderne de liberté, l'affranchissement de la tradition pour mener sa vie propre et pour être soi-même; comment cela a-t-il pu déchoir en liberté de choisir le lieu de ses prochaines vacances?
Les questions de fond - la vie telle qu'on aimerait vraiment la vivre, le sens d'une existence humaine - disparaissent de l'horizon.
Comment en sommes-nous arrivés à cette insignifiance? Comment avons-nous pu à ce point nous fourvoyer? La chose paraît si incompréhensible qu'elle nous invite à parcourir à nouveau le chemin, comme lorsqu'on a perdu ses clés et qu'on repasse dans sa tête faits et gestes pour se souvenir où on les a posées. Alors on se heurte à ce fait massif: la science moderne a peu à peu capté l'essentiel des forces spirituelles et matérielles de la culture occidentale. Mais pourquoi l'Europe s'est-elle lancée à corps perdu dans l'aventure scientifique, du temps où la science ne servait pratiquement à rien? Pourquoi Pascal, plein d'éloignement pour la science après sa conversion, reprit sous l'empire d'une rage de dents l'étude de la cycloïde? Pourquoi Rousseau, à Venise, fit fiasco auprès de la prostituée Julietta au téton manquant, et pourquoi celle-ci lui conseilla de faire des mathématiques?
Pour quelle raison, aujourd'hui, certains biologistes tiennent si fort à ce que l'homme soit une simple machine à survie pour ses gènes, ou une machine neuronale. Quels sont les rapports ambigus entre l'individu autonome, libre, et la pensée objectivante qui nie son autonomie et sa liberté? Que demande-t-on ultimement à la science?
C'est de telles questions que ce livre, en suivant pas à pas l'itinéraire de l'égarement, cherche à répondre.