Numéro dirigé par Martin de la Soudière, Martine Tabeaud, Anouchka Vasak
Inscrit dans la routine de nos jours et l’ordinaire de nos vies, au premier abord le temps qu’il fait ne paraît pas digne d’intérêt : « Qui parle du temps perd son temps », affirme le dicton. Sauf lorsqu’il se montre excessif et se fait destructeur, ou alors quand – aujourd’hui, désormais – il se transforme en menace majeure pour l’avenir. Du temps vécu individuellement, donc localement, au temps long du climat envisagé et analysé à une échelle géographique et à un pas de temps plus larges, c’est presque à le réhabiliter, du moins à renouveler et rafraîchir le regard des sciences humaines sur le temps qu’il fait, qu’est consacré ce numéro.
Nous proposerons de tisser des liens entre les nombreuses facettes et les divers registres où il s’exprime. Sans cesse en effet et de multiples façons le ciel et les saisons nous font signe, nous tendent la main : autant d’incitations et d’invitations à parler du temps qu’il fait en même temps que de nous-mêmes, à le décrire, le raconter, nous souvenir. À penser météore, comme nous le dira le premier article. Ici réunis mais déjà en dialogue dans un séminaire de l’EHESS, ethnologues, historiens, géographes, climatologues, littéraires apportent chacun sa pierre à l’édifice pour donner tout son sens et toute sa richesse à ce qu’on peut appeler la météosensibilité. Mais comment la définir ? De l’émotion à la contrariété voire à la peur, de la peinture du ciel et des nuages à leur observation scientifique, celle-ci révèle, grandissante, la place de la météo et du climat dans nos modes de vie, nos autres soucis, nos préoccupations les plus quotidiennes. Mais, plus largement, elle dit quelque chose de singulier et de très spécifique de et sur notre rapport à l’environnement, en même temps que, porteuse d’imaginaires forts, elle a toujours suscité, presque en connivence avec elles, et dans une relation privilégiée, des créations artistiques d’une grande fécondité et en permanence renouvelées.
Parcourant les différents points de vue soutenus par chacun des auteurs, notre question, pourrait-on dire, serait celle-ci : que nous fait le temps qu’il fait ?
Sommaire
Présentation
Anouchka Vasak
Penser météore
Martine Tabeaud
À la recherche du climat idéal
Maryse Carraretto et Vanessa Doutreleau
« Le temps n’est plus le même »
Garein, dans les Landes, sept ans après Klaus
Élise Lépy
Climat, temps, saisons…
Perceptions des éleveurs de rennes de Laponie finlandaise
Véronique Antomarchi
Les Inuit et le froid
Les représentations autochtones et celles des touristes
Christophe Granger
Faut-il croire aux dieux de la pluie ?
Laurent Litzenburger
La météorologie populaire,
Metz et le Pays messin (xive-xvie siècle)
Richard Galliano-Valdiserra
Un homme en hiver : la froide saison de Mario Rigoni Stern
Alexis Metzger et Jérémy Desarthe
Regarde s’il pleut
Effets d’inondations dans la peinture française (1856-1910)
Réjane Hamus-Vallée
Fabriquer le nuage parfait
Un siècle de trucages atmosphériques au cinéma
Benjamin Lysaniuk
Souffler le froid et le chaud
Martin de la Soudière
Le changement climatique, une « grande peur » collective ?