Les laboratoires de l’horreur et de la mort industrielle que furent les camps nazis ont paradoxalement aussi été des lieux de
création. Création dans des conditions extrêmes, presque toujours clandestine et souvent le fait de simples amateurs pour qui
elle constituait une ultime planche de liberté – ou de résistance. Ce fut le cas dans le camp pour femmes de Ravensbrück avec
Le Verfügbar aux Enfers, pièce écrite fin 1944 par l’ethnologue Germaine Tillion (1907-2008) avec l’aide de ses compagnes résistantes déportées. OEuvre de survie collective, cette « opérette-revue » sans partition qui détourne avec humour un répertoire varié d’airs populaires éclaire de manière exemplaire les relations complexes entre mémoire musicale, création et résistance dans les camps.
Germaine Tillion est entrée au Panthéon le 27 mai 2015. Ce jour-là, le président de la République dit : « À Ravensbrück, cachée dans des caissons en carton, Germaine Tillion écrit une opérette, pour que le rire généreux de ses camarades déportées puisse répondre aux rictus lâches de leurs bourreaux. Oui, une opérette, pour pouvoir défier le mal par le rire. »
Dans sa préface, Esteban Buch écrit qu’« il revenait à une femme, Germaine Tillion, de contribuer au travail de mémoire collectif en
faisant entendre aussi la musique du rire, éternellement libre, surgissant du fond sonore des enfers ».