Depuis la vague #MeToo, les dossiers de violences sexuelles se multiplient. Dans les commissariats, à la barre, les victimes tentent de faire entendre leur parole. Mais la réponse policière et judiciaire n’est pas toujours à la hauteur. Les institutions sont mises en cause : de l’accueil défaillant au moment de la déclaration aux non-lieux trop souvent prononcés, on leur reproche leur inadaptation, voire leur indifférence. « La justice nous ignore, on ignore la justice », avait lancé Adèle Haenel au nom de toutes celles et ceux qui ne portent pas plainte de peur de s’engager dans un parcours du combattant. C’est cette formule qui a guidé Marine Turchi dans une enquête saisissante sur les raisons de la défiance.
Forte du témoignage de près de quatre-vingts interlocuteurs, des magistrat·e·s, des avocat·e·s, des policier·e·s, mais aussi des femmes et des hommes de tous les milieux sociaux, protagonistes d’affaires médiatisées (Gérald Darmanin, Luc Besson, Roman Polanski…) ou pas, l’autrice pointe les obstacles que rencontrent ces dossiers et mesure, sur le terrain, l’impact des politiques affichées. Chemin faisant, elle contrecarre les arguments de ceux qui dénoncent opportunément un « tribunal médiatique » et crient à la « chasse à l’homme », mais montre aussi les limites de ce que peut la justice. Ainsi au fil de chapitres qui font alterner coulisses de l’enquête et récits poignants, c’est bien le système dans son entier qu’elle nous dévoile. Il appartient à toutes et à tous, ensuite, de le changer.
Marine Turchi est journaliste au pôle « enquêtes » de Mediapart où elle suit notamment les affaires de violences sexuelles.