Qui veut garder le silence sur son intimité, n’en révéler que des faits choisis à des interlocuteurs choisis, fait figure d’être fragile et inhibé. Qui au contraire se révèle sans retenue, apparaît comme une personnalité sûre d’elle et épanouie.
Comment et pourquoi, dans le demi-siècle écoulé, la reconnaissance des espaces d’intimité a-t-elle fait place au droit et même au devoir de (se) montrer ? Faut-il en rendre responsable une confiance excessive dans les vertus de la parole, en quoi la psychanalyse a probablement une part de responsabilité ? Faut-il accuser les téléphones portables, les réseaux sociaux ?
Sans doute celui qui prétend s’exhiber « librement », y trouve-t-il un gain psychique. De quelles fragilités paye celui qui se croit tenu de se soumettre à l’impératif moderne de transparence ? Comment grandir sans la possibilité d’aller et venir entre le secret et le dire ? Et que deviendrait une démocratie qui n’accorderait ni place ni valeur au for intérieur ? Car l’intime, le noyau de vérité d’un être, est la condition même de la liberté – de parole, de pensée, de création.
Psychanalyste recueillant dans le secret de son cabinet des paroles d’une autre veine que celles qui s’énoncent dans l’espace public, José Morel Cinq-Mars plaide pour retrouver un consensus reconnaissant la valeur et la nécessité de ce qui ne peut s’épanouir qu’à distance des lumières trop vives.
José Morel Cinq-Mars est docteur en psychopathologie fondamentale et psychanalyse. Elle travaille dans un service de protection maternelle et infantile de la région parisienne. Elle a déjà publié Quand la pudeur prend corps (PUF, 2002), Psy de banlieue (Ères, 2010) et Le Deuil ensauvagé (2010, PUF).