Les Français se représentent le monde de la gastronomie partagé entre la « haute cuisine », univers où excelle leur génie, et l’alimentation de masse, dominée par des pratiques industrielles d’inspiration américaine. Rien n’est plus faux. Entre les années 1970 et les années 1990, le champ de la gastronomie opère une mutation. Les process industriels venus d’Outre-Atlantique pénètrent le monde
de la cuisine française, notamment à travers l’implantation réussie des fast-foods. Les grandes institutions et les acteurs de la gastronomie s’adaptent très vite à ces changements. Dès lors, la distinction s’efface entre, d’un côté, une cuisine fondée sur les savoir-faire singuliers et les compétences individuelles et, de l’autre, les préparations standardisées, produites à grande échelle par les technologies de l’industrie agro-alimentaire. De même que s’estompe la ligne de démarcation jusque-là infranchissable qui séparait traditionnellement les grands chefs de cuisine des grands
chefs d’entreprise. L’analyse implacable de Rick Fantasia révèle ainsi comment le champ gastronomique, qui avait gagné son autonomie à la fin du XIXe siècle, a été absorbé dans la logique du champ économique. Ou comment les noms des plus grands chefs étoilés ont pu devenir des labels de gammes de la grande distribution.
Rick Fantasia est professeur de sociologie au Smith College Northampton (Massachusetts). Il a déjà publié, en français, avec Kim Voss, Des syndicats domestiqués : répression patronale
et résistance syndicale aux États-Unis (Raisons d’agir, 2003).
Traduit de l’anglais par Sophie Renaut.