Concevoir la cause de soi
On suppose ordinairement que la cause et l’effet font deux, l’un étant antérieur à l’autre. Parler d’une cause qui se cause elle-même invite à penser l’idée même de cause de manière différente. Spinoza n’a pas pris la peine de définir ce qu’est une cause (la définition l’implique : causer, c’est entraîner l’existence de quelque chose).
La forme géométrique ne doit donc pas nous tromper : l’Éthique n’est pas une axiomatique où tous les termes importants seraient définis au préalable. Elle s’avance plutôt dans un monde déterminé — celui de la science moderne, de Galilée et de Descartes, où l’on reconnaît que les choses naturelles se causent les unes les autres selon des lois rigoureuses. Mais si Spinoza s’adresse à un lecteur familier de l’idée de cause, il bouscule d’emblée cette familiarité.