Toutes les langues modernes lient le sens et la faculté des sens : sens-sensibilité, Sinn-Sinnlichkeit, sense-sensitiveness, témoignant que la sensibilité relève de l'ordre du sensé. Par là est née l'opposition entre l'empirisme qui fait naître le sensé dans la sensibilité et le rationalisme qui fonde dans la raison tout le sensé de la sensibilité. Si la sensibilité se prête à de multiples interprétations, c'est parce qu'elle s'étend à tous les domaines de l'existence humaine. Elle accompagne l'épanouissement de la vie, de l'animalité à l'humanité, elle rend possible la connaissance et tous les pouvoirs supérieurs de l'esprit, elle nous ouvre au monde et aux autres. Mais cette richesse rend son unité problématique. La sensibilité partage les philosophies parce qu'elle est elle-même partagée entre la connaissance et l'existence, l'ouverture au monde et l'auto-affection de la vie, la jouissance égoïste et la responsabilité pour autrui. Les auteurs, parcourant quelques grands moments de la réflexion philosophique de l'Antiquité à la philosophie contemporaine, ont voulu montrer que cette unité multiple de la sensibilité engage l'homme d'aujourd'hui à penser sa nature et les conditions du bonheur.