Son unique obsession s’appelait la peinture : elle était son souffle, son sang. Quand Nicolas de Staël (1914-1955) se donna la mort, à quarante-et-un ans, il laissait plus de mille tableaux, autant de dessins, et l’énigme d’une vie menée au galop.
Insolent et généreux, rusé et pur, Staël savait masquer sous des cascades de rire les failles d’une enfance brisée par la révolution russe de 1917 et les rigueurs d’un exil polonais. Aristocrate apatride et orphelin, il fut recueilli en Belgique, voyagea au Maroc, tout entier habité par la fureur de peindre.
Derrière le grand artiste salué par son ami Georges Braque et par Marc Chagall ( «Il était innocent, il avait une force cosmique»), il faut découvrir les vertiges de ce météore mélancolique, son corps à corps avec la couleur, son combat singulier avec la matière, son refus hautain de toutes les écoles, qu’elles se réclament de l’abstraction ou de la figuration.
La reconnaissance arriva des Etats-Unis, quand il eut trente-neuf ans. Trop tôt ou trop tard. Il s’était déjà réfugié en Provence, aveuglé de lumière, écrasé de gloire, fraternisant avec René Char et brûlant sa vie, hanté par les hautes figures de Paolo Uccello et de Hercules Seghers. Sa morale tenait en quelques mots : «Il faut travailler beaucoup, une tonne de passion et cent grammes de patience.»
Voici la chevauchée de ce prince foudroyé.
Journaliste au Monde, Laurent Greilsamer a consacré sa première biographie à Hubert Beuve-Méry, parue en 1990 chez Fayard. Le Prince foudroyé, la vie de Nicolas de Staël a reçu le Grand Prix des lectrices de Elle et lePrix de l’essai de la Société des gens de Lettres en 1999.