La relance d'un nucléaire estampillé " vert " interroge alors qu'une série de graves problèmes mine depuis plusieurs années cette industrie en équilibre précaire : stockage des déchets, corrosion, saturation des piscines, désorganisation, conflits. Comment cette technologie controversée, fragile et vieillissante apparaît-elle à nouveau comme une perspective d'avenir ?
Pour tenter de la faire renaître, ses promoteurs s'appuient sur un ancien et puissant imaginaire : celui d'une technologie " sans la Terre ", capable de libérer l'expansion économique de ses conditions matérielles.
Ce nucléaire imaginé – apparu dans l'après-guerre chez des ingénieurs grisés par un nationalisme technologique, entretenu par des économistes soucieux de croissance et de compétitivité, relayé dans les arènes internationales pour y vendre et y défendre des marchandises contestées – a mobilisé et justifié la production en masse de machines, de matériaux, de résidus et d'installations contaminées.
Le nucléaire imaginé est exemplaire d'une contradiction qui traverse plus généralement le capitalisme industriel : en promettant l'indépendance vis-à-vis de la Terre, il étend sans cesse sa pesante emprise terrestre. L'héritage qu'il nous lègue est encombrant : une infrastructure colossale et toxique qu'il faudra bien, un jour ou l'autre, démanteler.