Durant des décennies, il a été d’usage d’associer libéralisme économique et libéralisme politique, économie de marché et démocratie. Mais l’évolution du capitalisme, entre accroissement vertigineux des inégalités et emballement des politiques identitaires, contredit chaque jour un peu plus cette vision optimiste.
Contrairement à une idée reçue, l’État apparaît comme un enjeu central pour les néolibéraux, en ce qu’il permet une réorientation des politiques publiques en faveur des plus riches et que, naguère régulateur, il est désormais devenu l’instrument même de la dérégulation économique. Servira-t-il aussi d’ultime rempart répressif à l’oligarchie face aux troubles que sa politique aura causés ?
Retour inquiet d’un quinquagénaire sur l’échec de sa génération, élevée dans l’idée du progrès à venir et aujourd’hui confrontée à une crise protéiforme, cet essai montre comment la généralisation à tous les champs de l’activité humaine de ce qui est présenté comme la « rationalité économique » est à l’origine de l’instabilité actuelle. Mais aussi qu’à rebours de ce que les tenants du néolibéralisme aimeraient faire croire, le cœur du problème demeure politique plus qu’économique. Ce qui ouvre un espace à l’action.
Gilles Dorronsoro est professeur de science politique à l’université Panthéon-Sorbonne. Il a notamment codirigé avec Olivier Grojean, Identités et politique : De la différenciation culturelle au conflit, Paris, Presses de Sciences-po, 2014.