De l'essor de la généalogie au discours politique, la Mémoire a tout envahi. Ce livre, signé d'un des meilleurs historiens de la question, s'interroge sur l'empire actuel de la mémoire - ses origines, ses précédents, sa place dans des sociétés plus anciennes. Il la confronte à cet autre rapport au passé qu'est l'Histoire, fruit de la rationalité, à vocation universelle, cherchant modestement, mais obstinément, une parcelle de vérité.
Aujourd'hui, il est partout question de commémoration, de devoir ou d'abus de mémoire. Rapport personnel, affectif au passé, la mémoire semble avoir tout envahi. Culturelle, historique, religieuse, artistique, elle peut se montrer exclusive et nuire au vivreensemble. Mais elle est aussi capable de susciter la résistance à l'oppression, de sauver une minorité, d'assurer la cohésion d'un groupe, d'une société, d'une nation. Autre rapport au passé, à vocation universelle cette fois, l'histoire se tient à distance. Fruit de la rationalité, elle cherche modestement et obstinément une parcelle de vérité.
Tout semble donc opposer histoire et mémoires ; les conflits se sont d'ailleurs multipliés, surtout en France. Le pari de l'auteur est pourtant d'en affirmer l'indispensable alliance et d'en proposer les conditions. Les mémoires ont déjà transformé les livres d'histoire, offrant à l'événement et à la biographie une nouvelle jeunesse. Ainsi, l'histoire orale a donné à comprendre, de l'intérieur, les invisibles, restés à l'écart de l'écriture. Les mémoires obligent les historiens à questionner leur métier, leur fournissent de nouveaux objets d'étude et la possibilité de saisir une réalité jusque-là inaccessible. En contrepartie, l'histoire demeure le seul moyen d'apaiser les mémoires blessées, de permettre aux mémoires concurrentes de cohabiter. La meilleure manière de vaincre l'oubli et de se prémunir des excès mémoriels.