« L'histoire des grands hommes est comme un miroir que je regarde pour tâcher en quelque mesure de régler ma vie et de me conformer à l’image de leur vertu. M’occuper d’eux, c’est, ce me semble, comme si j’habitais et vivais avec eux, lorsque, grâce à l’histoire, recevant pour ainsi dire chacun tour à tour et le gardant chez moi je considère "comme il fut grand et beau" et lorsque je choisis parmi ses actions les plus importantes et les plus belles à connaître. »
Tout est dit dans ce texte de Plutarque de sa rencontre de moraliste avec les héros de l’Histoire : reste, pour la critique, à en expliciter toutes les conséquences et à dégager d’abord les structures narratives qui permettent de transformer la matière historique en récit biographique et de faire apparaître, sur fond d’Histoire, une carrière et une personnalité.
Par-delà la construction littéraire, c’est l’univers mental de Plutarque qui, peu à peu, se dessine, ses vues sur le passé, la vie de la cité, la civilisation, qui se confond avec la tradition hellénique désormais étendue à tout l’Empire romain. Ni passéiste, ni détaché du monde, le moraliste apparaît ainsi comme un des acteurs de la vaste entreprise de restauration oecuménique des valeurs qui caractérise le début du siècle des Antonins.