Xénophane de Colophon, poète et penseur de la fin du VIe siècle et du début du siècle suivant, est un personnage énigmatique, au cœur de nombreuses interrogations. Sur sa vie, il ne nous reste que très peu de témoignages, très peu de certitudes et quelques légendes qui ont suffi à lui forger une réputation. Critiquant sévèrement Homère et Hésiode pour les « mensonges » qu'ils ont contés au sujet des dieux, attaquant les croyances populaires, les superstitions, les idées reçues et les comportements de ses contemporains, il a laissé à ses successeurs, pour des siècles, le souvenir d'un satiriste acerbe et d'un austère moralisateur. Mais Xénophane est aussi lié à l'histoire de la philosophie : disciple des philosophes de Milet – d’Archélaos ou d’Anaximandre selon les sources –, il aurait pris position contre certaines théories de Thalès et de Pythagore, serait l’auteur d’un grand poème didactique intitulé Sur la nature et aurait le premier affirmé l’unité de la divinité et celle de l’être. En tant que tel, il aurait été le maître de Parménide et le fondateur de l’école d’Élée.
Il est probable que la légende exagère l’importance qu’a pu avoir Xénophane dans l’histoire de la philosophie. On retrouve cependant des échos de sa pensée chez les plus grands philosophes des siècles postérieurs, et notamment chez Platon, chez Aristote, ses élèves et ses commentateurs, chez Cicéron, ou encore, bien plus tard, dans les écrits des auteurs chrétiens qui ont vu en Xénophane le premier théologien monothéiste.
L’œuvre de Xénophane a malheureusement souffert d’une très mauvaise transmission. Les fragments qui nous en restent sont écrits en vers, dans une langue qui tente de concilier archaïsmes poétiques d’une part, précision philosophique, rigueur de raisonnement, vocabulaire moderne d’autre part. Ces vers sont manifestement l’œuvre d’un esprit critique des plus vifs, exigeant et rigoureux, et laissent entrevoir une personnalité profondément originale, avide de connaissance et de vérité.
Le lecteur dispose du texte grec et de sa traduction, accompagnée de notes qui donnent un aperçu des différentes interprétations poétiques et philosophiques proposées pour ces fragments par les commentateurs antiques et modernes.
Traduction et note de Laetitia Reibaud, agrégée de grammaire.