Orphée, prophète païen de la révélation biblique. Tel est le portrait que les Juifs d'Alexandrie, à partir du IIIe siècle avant J.-C., dressent du cithadère que la tradition célèbre pour son chant miraculeux et son rôle dans l'introduction des mystères. Leur objectif est double : idéalement, convaincre les Grecs de renoncer au polythéisme pour embrasser le monothéisme qu'aurait prôné leur tout premier théologien ; plus concrètement, raffermir leurs propres coreligionnaires dans leur foi, en leur montrant qu'elle remonte à l'origine de cette culture grecque qu'ils admirent tant. Il leur suffit pour cela de fabriquer, à partir d'anciens vers mis sous le nom d'Orphée par les païens, un poème dans lequel celui-ci, finalement converti, chante le Dieu unique et le révèle à son disciple Musée — poème parfois alors intitulé Testament d'Orphée. Ce nouveau « discours sacré » (hieros logos) nous est parvenu, après de multiples remaniements au gré de ses citations, sous la forme de fragments de longueur inégale, par l'intermédiaire des auteurs chrétiens des six premiers siècles.
Après une étude de la littérature et de la pseudépigraphie judéo-hellénistique dans laquelle s'inscrit le poème, Fabienne Jourdan analyse sa réception chrétienne et tente de reconstruire les différentes étapes de sa composition et transmission. Elle propose ensuite une traduction et un commentaire détaillé de chacune de ses rédactions successives.