Vous n'auriez jamais dû entendre parler de moi ni de Liès Hebbadj. Dieu en a voulu autrement.
Nous avons toujours mené une vie tranquille dans la banlieue nantaise, à l'abri des rumeurs, appréciés par les instituteurs de nos enfants, essayant de mener au mieux notre existence telle que nous l'entendions. C'est-à-dire, entre autres, selon un certain nombre de préceptes musulmans.
Je n'aurais pas imaginé qu'une contravention bouleverserait ma vie, ni que contester une amende puisse prendre de telles proportions, attirer les journalistes en meute incontrôlable, m'ôter le sommeil durant des nuits entières, le ventre noué et la gorge serrée.
L'histoire, vous la connaissez. Ou plutôt, vous connaissez celle qu'on vous raconte dans les médias, de manière plus ou moins concise, plus ou moins arrangée. De moi, de Liès, vous n'avez que l'image que l'on veut bien donner de nous et qui m'effraierait autant que vous si j'étais à votre place... Laissez-moi donc tenter de changer votre regard, vous raconter comment nous sommes passés d'une contravention à un tribunal, d'un tribunal à une affaire d'État.
Sandrine Moulères
Note de l'éditeur :
Le Parlement, outrepassant l'avis du Conseil d'État qui, le 12 mai 2010, a rendu un avis défavorable au projet de loi proposé par le gouvernement sur l'interdiction du port du voile intégral, considérant que cette loi ne se basait sur " aucun fondement incontestable ", a adopté le 13 juillet dernier le texte de loi à une écrasante majorité.
En choisissant de porter le niqab, Sandrine Moulères a-t-elle renoncé à sa vie de femme, de mère, de citoyenne ? Ajoute-t-elle à la violence ressentie sa propre violence en étant consentante ? Son regard lumineux est-il le fruit d'une dangereuse et soudaine révélation ? Trouble-t-elle l'ordre public ?
Comme le dit Sandrine Moulères, ce témoignage ne raconte qu'un cheminement, le sien, et il n'a aucunement vocation universelle. Il est écrit avec ses mots, ses mots à elle.
D'aucuns diront que publier ce livre c'est accepter, et même pire encore, défendre le droit à l'humiliation, favoriser le sectarisme et inciter au prosélytisme. Face à la totale intolérance que d'autres encore réclament, nous opposons le droit à la parole.