« J'ai passé mon temps à collectionner des petits riens pour figer mon histoire. L'étrange sentiment d'une vie volée... Chaque jour nous renvoyait à nos solitudes, celle de ma mère enfermée dans son mutisme, celle de mes deux soeurs qui s'étaient rapprochées, celle de Tati qui luttait pour faire belle figure, et la mienne. Moi qui, chaque nuit, mouillait mon oreiller de larmes jusqu'à m'assoupir, épuisé, avec la peur au réveil, où il me faudrait encore, jusqu'au soir, me charger du poids de cette peine inouïe.
En égrenant ces objets de l'inventaire de ma vie, je m'aperçois que tous concernent les fragments de mon enfance. Le panthéon intime de mes souvenirs. Aujourd'hui je comprends que chacune de ces pièces a pansé ces anciennes égratignures. Est-ce la preuve que j'ai vieilli et qu'en me retournant, je constate que cette période fut une époque bénie, celle de tous les possibles ?
Je vous vois sourire, oui, j'ai vieilli, mais quel bonheur ! »
Jean-Pierre Foucault