Quelques semaines après l’invasion allemande de la Pologne, pressentant que des temps lourds de dangers s’ouvrent devant eux, Emanuel Ringelblum et quelques Juifs de Varsovie mettent en place une équipe de collecte d’informations et de documents qui se réunit chaque samedi sous le nom d’Oneg Shabbat, « la joie du shabbat ».
La finalité de cette collecte va changer avec le temps : de preuves pour l’après-guerre, elle devient une accumulation de preuves pour les générations à venir. Témoignage du désastre sans précédent qui prétend éradiquer un peuple décrété « en trop » sur la terre.
Dans le même temps, Ringelblum tient un Journal, rédigé en yiddish, de façon intermittente, en un style parfois haché, voire sibyllin. Au fil des mois, la description de l’effroyable misère organisée par les Allemands prend le dessus. S’impose la description (et la colère froide qui l’accompagne) de la trahison d’une partie des classes dominantes juives, de la bassesse de beaucoup, de la trahison d’une poignée. Mais l’auteur met aussi en lumière la solidarité et la vivacité de la résistance culturelle à ce martyre. Réquisitoire implacable, ce texte, par ses notations sèches qui ne cèdent jamais à l’indignation de posture, fustige l’égoïsme de classe qui structure les sociétés juives. Comme les autres.
La présente traduction de ce manuscrit retrouvé à la Libération comprend l’intégralité des chroniques quotidiennes de Ringelblum. Après la publication d’une partie des archives d’Oneg Shabbat il y a dix ans, elle complète l’édifice des voix d’outre-tombe venues du judaïsme de Varsovie.