Ce soir, à l’izakaya, ce conseil de Tateki : « si un jour tu veux
raconter le Japon, prends des ciseaux, coupe des petits et des
grands morceaux et jette tout en l’air. »
Sur le fleuve Tama, ce mardi après-midi, j’ai vu une course de
barques depuis le train. Une course de barques en pleine semaine
du mois d’avril, pour que les curieux et tous ceux qui n’habitent
pas le quartier ne viennent pas déranger les concurrents et les
organisateurs. Pour l’occasion, la pluie s’était arrêtée et on grillait
du poisson sur la rive.
Un Français installé au Japon y enseigne sa langue à des Japonais passionnés par les complexités de la conjugaison française. De son regard d’étranger, admiratif et étonné, curieux et séduit, il observe les gens – les jeunes, les vieux, les salarymen, les spectateurs endormis au Kabuki –, la nourriture – les ramen, les biscuits de riz, les élégants gâteaux de gelée –, la nature – les grenouilles, les cerisiers, les oiseaux, les cèdres, et l’eau, surtout. Les lacs, la mer, les sources chaudes, la pluie, les fleuves, les vagues noires des tsunamis meurtriers.
Avec une écriture dépouillée, contemplative et sans artifice, Benoît Reiss décrit quelques moments de cette vie, fragments découpés dans le continu de l’existence, autant d’instantanés qui racontent la beauté et la poésie des « petites choses » du quotidien nippon.
Les encres de Chine de Junko Nakamura, entre paysages exotiques et détails ordinaires, ponctuent ce récit et habitent l’espace entre ces « notes découpées », qu’elle rassemble d’un trait de pinceau.