« Maman ? Je suis là. Tu es tombée ?
Couchée, entre le salon et la cuisine.
Une pantoufle, au bout du pied.
Le carrelage vert.
Un pied, nu.
Peignoir, ouvert.
Chemise de nuit,
relevée jusqu’aux genoux.
Une main, contre la joue.
C’est moi. Tu peux te relever ?
Maman ?
Un bras, plaqué le long du corps.
Un rictus.
Comprendre.
Le téléviseur.
Les médicaments.
Où sont ses lunettes? »
Deux histoires se croisent, s’enroulent et se répondent. Les deux mêmes personnages ; sa mère et lui. Elle en espère tant, trop. Il n’est peut-être pas à la hauteur. Elle est anxieuse. Ses mots sont maladroits. Sa tendresse, rare, est pudique. Il ne dit rien. Il aimerait une reconnaissance. Au fil des années, une routine – un jeu subtil de non-dits, de reproches à peine voilés – s’organise. Puis, vient ce coup de téléphone. Elle est allongée, entre le hall et la cuisine. Elle ne dit plus rien. Une nouvelle routine s’installe. Il est seul à parler, à agir. Il fait ce qu’il doit faire, machinalement, pendant quelques semaines. Des fragments d’histoires lui reviennent. Il tente d’en recoller les morceaux, de les aligner, de remettre de l’ordre.
Alan Speller égrène par bribes ces instants auprès de sa mère, passés et présents, fragments épars qui retracent l’histoire de sa mère mêlée à ses souvenirs d’enfance. Où l’œil de la mère a plus d’importance qu’elle ne le croit, où le regard porté sur l’enfant en dit long sur l’homme qu’il est devenu à présent. Il s’agit aussi de retracer le chemin parcouru pour comprendre et pardonner, pour dire au revoir.
Jeu de rideau, jeu de regard, qui guette l’autre à travers la fenêtre ?
Un récit émouvant par sa sincérité et son universalité, qui touche chacun de nous dans ce qui est enfoui au plus profond de nos cœurs : la relation avec la mère, la recherche de la reconnaissance dans son regard, la peur viscérale de la perte d'un parent.