La figure de Breton a servi, au gré des querelles et des commémorations, d’objet de culte autant que de repoussoir. Le seul sentiment qu’elle n’aie pas inspiré fut l’indifférence. Julien Gracq, qui fut un proche de Breton et lui consacra dès 1948 une importante étude, nous livre ici une très subtile analyse de la fameuse «tyrannie de la liberté» que le poète exerça effectivement sur plusieurs générations, et que ses détracteurs considèrent avec condescendance comme une contradiction sans appel. Le regard fin et sans complaisance de Gracq nous assure d’une chose : l’impérieuse vitalité du surréalisme fut toujours à l’image de la liberté exclusive et rageuse de Breton, et la critique très «politiquement correcte» d’un Breton régalien nous révèle plus que toute autre chose l’état bien famélique de nos aspirations à la liberté.