“Capitale de la douleur, capitale de la merveille et de la grâce. Grâce non religieuse, mais cependant divine : d’un seul coup, je comprenais brutalement que le divin habitait parmi nous, que les mots autant que les monts du Liban, qui coiffaient ma rencontre adolescente avec Bounoure d’un peu d’éternité de neige, que les mots et les monts nous étaient une demeure, que le sacre était notre quotidien. La brûlure de cette gifle ne m’a pas quitté depuis lors et, de temps en temps, il m’arrive de toucher distraitement ma joue : Bounoure est mort, je vais bientôt mourir, mais sa fièvre, la contagion de sa fièvre est toujours là et je sais que jusqu’en ma dernière minute j’aurai vécu, dans le sillage de Bounoure, audacieusement, modestement, selon le grand exemple qu’il m’a laissé, au seuil du feu.”
Dissimulée sous le transparent pseudonyme de Soliman, la voix de Salah Stétié – voix majeure de la poésie contemporaine – révèle toute la puissance émotionnelle d’un souvenir : celui des rencontres avec Gabriel Bounoure, grand critique de l’entre-deux guerres, qui agira à la manière d’un astre, à la fois lumière et voie.