S'attardant devant la vitrine grisâtre d’une librairie d’apparence vétuste, il parvint à lire, sur une couverture en vieux cuir, Le Caractère du ’ârif, un ouvrage d’Avicenne. Pensant qu’il y avait là de quoi étonner son commanditaire, il entra dans la librairie. Derrière la pénombre, Mikhaïl ne distinguait pas son visage. Quand il s’en fut approché, il retint un cri. Van Gogh! Non celui de l’autoportrait à la pipe et au pansement à l’oreille, mais celui au regard de côté, peint par John Russell. Ce regard l’a toujours fasciné. Le retrouver, animé, au fond de cette librairie justifiait le cri retenu. Il se contenta d’un Bonjour. Un murmure lui répondit. Et il se renseigna sur le prix du livre. Rien ne destinait Mikhaïl Fiodorovitch Loukianov à faire avec le vieux libraire de la rue Poliveau le chemin qui de la curiosité passe par la sympathie pour aboutir à l’amitié. Rien, si ce n’est la curiosité d’un certain Charles-Claude Bergerac…
Cette vie d’un libraire soumis à une enquête, c’est aussi le roman d’un roman qui s’écrit quand un auteur n’est plus maître de ses personnages.