« Ce n'est ni une inconséquence ni même une diversion, comme on pourrait le croire, que d'introduire dans un livre de critique intitulé : Les Œuvres et les Hommes au XIXe siècle, la série des femmes qui écrivent, car les femmes qui écrivent ne sont plus des femmes. Ce sont des hommes, - du moins de prétention, - et manqués ! Ce sont des Bas-bleus. Bas-bleu est masculin. Les Bas-bleus ont, plus ou moins, donné la démission de leur sexe. Même leur vanité n'est plus celle de la femme… Du fond de la vanité, très-souvent jolie de la femme, il leur en a poussé une autre qui a dévoré, la première et qui est affreuse comme l’orgueil impuissant. Les Bas-bleus (Blue stockings), ainsi nommés, à Londres, du temps du Pope, pour dire des femmes qui, de préoccupation intellectuelle, en étaient arrivées à ne plus faire leur toilette et qui portaient des bas comme tous les cuistres d’Angleterre, sont restés imperturbablement ce qu’ils étaient, du temps de Pope. La première punition de ces jalouses du génie des hommes a été de perdre leleur, - le génie de la mise, cette poésie d’elles-mêmes, dont elles sont tout ensemble le poëme et le poëte. La seconde a été de n’avoir plus le moindre droit aux ménagements respectueux qu’on doit à la femme… Vous entendez, Mesdames ? Quand on a osé se faire amazone, on ne doit pas craindre les massacres sur le Thermodon. »
Barbey d’Aurevilly