Publié en 1930, cet ouvrage rassemble six conférences prononcées au Théâtre du Vieux-Colombier, à la fin de 1922, par le grand critique de La Nouvelle Revue française. Alors que ces causeries se trouvaient initialement annoncées d'une formule assez générale « L'art et le métier de la critique », le livre est devenu une Physiologie de la critique: titre qui peut d'abord surprendre, mais cependant ne surprend plus si l'on veut bien se rappeler que la physiologie a pour objet les fonctions et propriétés des organes.
Or, c’est bien d’abord de distinguer des fonctions qu’il s’agit dans ce livre, et par ce qu’on peut appeler sans trop d’excès deux coups de génie. Le premier est de situer au XIXe siècle la naissance de la critique le second, de distinguer très clairement en son sein trois fonctions: la critique spontanée, la critique professionnelle et la critique des maîtres. L’architecture bâtie par Thibaudet n’a pas vieilli, et si, à maints noms par lui mentionnés, nous substituons mentalement, un siècle plus tard, comme on changerait les plaques d’un panthéon, d’autres noms qui nous sont plus proches, ces modifications elles-mêmes prouvent que le livre n’est pas mort: à tous égards, il nous regarde encore.
Albert Thibaudet fut le grand critique littéraire de sa génération. Collaborateur de la Nouvelle Revue française de 1912 à sa mort en 1936, cet élève de Bergson fut l'ami de Jean Paulhan qui l'admirait sans réserves. On lui doit aussi des vues pionnières sur l'histoire des idées politiques.