Tout Anglais se veut excentrique. Il se distingue d'une norme tout en se définissant par rapport à celle-ci, manière détournée de s'y reconnaître; de s'ériger en exception qui confirme la règle. Ce triptyque biographique a été conçu à l'instar d'un retable : chacun de ces portraits allégoriques illustre un aspect esthétique et moral de l’Angleterre — avant, pendant et après le victorianisme. Trois formes de déviances qui, comme des contretypes, révèlent « en négatif » la société en marge de laquelle elles s'inscrivent
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Gothique par excellence, Thomas Lovell Beddoes (1803-1849), est le poète le plus macabre du romantisme anglais. En quête d'un sens à l'après-chair, il tenta de ressusciter le théâtre élisabéthain dans son chef-d'œuvre posthume et poussa la logique du nonsense à son paroxysme en faisant de la mort sa raison de vivre.
John Gray (1866-1934) incarna rétrospectivement Dorian Gray, le personnage d’Oscar Wilde. Ange dévoyé, ce dandy à la délicatesse décadente fut victime d'une profonde crise d'identité lorsqu'il rompit avec son mentor. Crise qui le conduisit à se convertir au catholicisme et à revevoir la prêtrise pour échapper au fantôme romanesque qui le vampirisait.
Quant à Aleister Crowley (1875-1947), magicien charismatique et érotomane, enclin à toutes sortes d’expériences extrêmes, il exerce désormais outre-tombe son influence démoniaque sur la contre-culture britannique. Cet Antéchrist est aussi le fondateur d'une secte, Thelema, qui se proposait d'aider ses membres à trouver leur « Véritable Volonté » en recourant à la « magie sexuelle ».