Aujourd’hui, l’Europe ne se heurte plus à la coalition des souverainismes, mais d’abord à elle-même. Ce sont les partisans de l’Europe qui pourraient bien en être les principaux fossoyeurs. En théorisant la «méthode Monnet», permettre l’avènement de l’Europe politique par la construction de l’Europe technique, les Européens les plus convaincus n’ont-ils pas fait reculer l’objectif final au lieu de s’en rapprocher? Telle est la thèse paradoxale que soutient ce livre, qui montre comment l’Europe s’est construite au prix du dérèglement technocratique et du déficit démocratique, comment la Commission européenne se dérobe à tout contrôle politique démocratique et théorise le gouvernement des experts, comment les politiques européennes méconnaissent le cœur de l’identité européenne, son modèle social et ses services publics. L’Europe d’aujourd’hui se dresse contre l’Europe de demain. Elle menace de se diluer en une grande Suisse, qui sortirait de l’histoire. Elle pourrait muter, avec la dynamique de l’élargissement, en préfiguration d’une communauté mondiale des démocraties. Le mythe de l’Europe fédérale est-il mort? Il y a un nouvel espoir. Le Parlement européen, le seul organe proprement démocratique de l’Union européenne, a désormais les moyens d’un «coup de force» politique. À lui d’agir. À nous, la nouvelle génération européenne, de le mandater pour sortir l’Europe de l’ornière.
Olivier Ferrand est président de la fondation progressiste Terra Nova. Spécialiste de l’Europe, il a été conseiller du Premier ministre Lionel Jospin et du président de la Commission européenne Romano Prodi. Il a participé à l’élaboration du traité constitutionnel comme sherpa français puis à la campagne politique du référendum.