« Il y a, d’un côté, la vie qui s’écoule avec un commencement et une fin, et de l’autre, la vie qui fait la singularité humaine parce qu’elle peut être racontée. On pourrait ainsi parler de vie biologique et de vie biographique. L’espérance de vie mesure l’étendue de la première. L’histoire de vie relate la richesse de la seconde. L’inégalité des vies ne peut être appréhendée que dans la reconnaissance des deux. Elle doit à la fois les distinguer et les connecter. Les distinguer, car le paradoxe des femmes françaises montre qu’une vie longue ne suffit pas à garantir une vie bonne. Les connecter, car l’expérience des hommes afro-américains rappelle qu’une vie dévalorisée finit par produire une vie abîmée. C’est ainsi que se pose également la question des réfugiés et des migrants. »
Didier Fassin est anthropologue, sociologue et médecin. Professeur à l’Institute for Advanced Study de Princeton et directeur d’études à l’EHESS, il est titulaire de la chaire annuelle de Santé publique du Collège de France créée avec le soutien de l'agence nationale Santé publique France. Ses travaux, conduits sur trois continents, portent sur les enjeux politiques et moraux des sociétés contemporaines.